Les découvertes archéologiques près de la plage du parc national d'Oka
Un foyer utilisé pour la fabrication de poteries, au cours de la préhistoire, a été découvert près de la plage du parc national d’Oka.
Les recherches archéologiques sur la portion in situ du site de la plage du parc national d’Oka (BiFm-1) se sont amorcées à l’emplacement même d’une structure. Celle-ci a été identifiée comme étant un foyer, ayant servi à la cuisson de poteries au Sylvicole moyen. Par la suite, les fouilles archéologiques se sont poursuivies aux abords du foyer, là où a possiblement eu lieu la préparation de la pâte et le façonnage des pots. Plus de 4500 fragments de pots ont ainsi été trouvés, entre 2008 et 2014.
Structure de Foyer
Les premiers puits de fouilles contenaient une fosse, autrefois creusée dans le sable de la berge pour contenir un feu. Au moment de l’intervention archéologique, cette fosse était remplie d’un sol noir, dans lequel ont été observés de petits morceaux de charbon. Au fond de la fosse, une fine couche de sable présentait une teinte légèrement orangée. Plusieurs pierres, qui ont possiblement été abîmées par le feu, ont pu être associées à la structure. De nombreux fragments de poteries, trouvés à l’intérieur de la fosse, ont permis de se faire une idée de l’époque où le foyer fût en usage. En effet, les techniques de façonnage, les motifs et la forme des rebords des récipients sont caractéristiques du Sylvicole moyen (2400 à 1000 ans avant aujourd’hui). Tandis que la grande majorité des pots semblent avoir été fabriqués au Sylvicole Moyen ancien (2400 à 1500 ans avant aujourd’hui), au moins l’un d’entre eux présente des attributs du Sylvicole moyen tardif (1500 à 1000 ans avant aujourd’hui).
CUISSON DE POTERIES
Il n’y a pas d’indices qui laissent croire que le foyer ait servi à la cuisson des aliments. Aucun os blanchi par le feu n’a été trouvé et aucun tesson de poterie ne présentait de matière organique carbonisée. Par contre, quelques éléments portent à croire que le foyer aurait servi à cuire des pots.
La cuisson des poteries était une opération risquée et il n’était pas rare que certaines d’entre elles éclatent dans le feu. Les fragments pouvaient alors être abandonnés dans le foyer. Au moment de la découverte, certains tessons étaient même fracturés le long des parois (exfoliation), de sorte qu’il leur manquait une surface (soit la face intérieure ou extérieure). L’archéologue Christian Gate St-Pierre (2006 :122) pense que ce type de bris peut résulter d’opérations inadéquates lors du modelage ou de la cuisson des vases d’argile. Des traces de brûlage (noircissement par le feu) sur les côtés cassés de certains tessons indiquent qu’ils ont subi les effets du feu après avoir brisé.
PRÉPARATION DE LA PÂTE ET FAÇONNAGE
Avant de cuire les poteries, il fallait d’abord les fabriquer à partir d’une pâte. Cette pâte était faite d’un mélange d’argile, d’eau et d’un dégraissant. Le sable est omniprésent sur le site et aurait pu constituer un dégraissant fin adéquat. Pourtant, les potières ont préféré inclure à la pâte un dégraissant grossier, fait de fragments de roches. Les roches utilisées semblent provenir des collines d’Oka (gneiss) et du complexe d’Oka (carbonatite), situés respectivement à 2,50 km et 4,15 km du site. Pourquoi aurait-on transporté des roches sur quelques kilomètres, alors que le sable est à portée de main? La raison peut être de nature technique, puisque les dégraissants grossiers offrent une meilleure plasticité à l’argile (Riegger 1977 : 23). Par contre, les Amérindiennes ont pu également être motivées par des motifs esthétiques. En effet, les inclusions visibles sur les parois de vases reflètent la lumière, les faisant scintiller au soleil.
Plusieurs roches ont été retrouvées sur le site. Certaines avaient une forme qui suggérait un possible usage dans la fabrication des pots. L’une d’elles aurait pu être une enclume pour broyer l’argile ou le dégraissant. D’ailleurs, plusieurs fragments de roches ont été prélevés parce qu’ils pourraient être des résidus de broyage, n’ayant pas servi. De plus, deux morceaux de roches ont une forme qui moule bien la paroi intérieure des vases amérindiens. Ils auraient pu être utilisés lors du façonnage, pour aider à donner à la poterie sa forme finale. Par contre, rien n’indique que ces pierres ont réellement été utilisées, pour quoi que ce soit.
Quelques rebus de pâte ont également été trouvés en bordure du foyer. Ces petits objets, souvent difformes, sont généralement interprétés par les archéologues du Québec comme étant un excédent de pâte utilisé pour tester la température du foyer. Suite au façonnage, les potières* pouvaient prendre un petit peu de pâte inutilisée et la mettre dans le feu. Puis, elles retiraient la petite motte pour s’assurer de son niveau de cuisson, avant de mettre les poteries dans le feu.
L’un des rebus de pâte avait la forme d’un colombin, sur lequel sont resté imprimés les doigts de l’artisane. Au Sylvicole moyen, les vases étaient montés en enroulant des serpentins de pâte, appelés colombins. L’un des colombins était vraisemblablement trop long. La potière en aurait enlevé un petit segment en le pinçant des doigts, avant de le mettre au feu.
La fabrication des poteries s’apprenait dès l’enfance, par la pratique. Un petit vase, découvert sur le site, témoigne du processus d’apprentissage. Il est trop petit pour servir à la cuisson ou à l’entreposage d’aliments. De plus, son niveau d’esthétisme suggère que sa créatrice ne maîtrisait pas encore parfaitement les techniques de façonnage et de décoration en usage à l’époque. En effet, son rebord (lèvre) a été écrasé au moment du façonnage, causant un léger débordement de la pâte. De plus, il est orné d’une bande décorative qui n’est pas droite et constante, contrairement aux poteries de dimensions standards.
* Les archéologues pensent que ce sont les femmes qui fabriquaient la poterie durant la préhistoire, chez les Amérindiens du Québec.
NOTE: Second billet d'une série de 4 billets sur l'archéologie au parc national d'Oka. Consultez l'introduction pour accéder à la table des matières.
Bibliographie
Riegger, Hall, 1977, Poterie primitive, Dessain en Tolra, Paris, 117 p.
St-Pierre, Christian Gate, 2006, Potières du Buisson, La céramique de tradition Melocheville sur le site Hector-Trudel, Société du Musée canadien des civilisations, Collection Mercure, 319 p.