Histoire de l'architecture religieuse du Québec: de 1820 à 1850
Le néo-classicisme.
De 1820 à 1850.
La période allant de 1820 à 1850 est particulièrement mouvementée. La colonie est en pleine expansion grâce au développement soudain du commerce du bois suivant le blocus continental imposé par Napoléon. Québec et Montréal connaissent un développement considérable et les nouveaux quartiers se multiplient, entraînant la construction de nouvelles églises et l’agrandissement de certaines autres. Sur le plan politique, la situation est tendue dans le Bas-Canada en raison notamment d’une conjoncture économique instable, surtout en milieu rural, situation qui mènera aux Rébellions de 1837-1838 (Noppen, 1977, p.48).
Durant cette période, l’architecture religieuse subit aussi de nouveaux remous. Certains architectes dont Thomas Baillairgé, fils de François, désirent renouveler leur art tout en demeurant attachés à la tradition, pratiquer une architecture religieuse originale, rigoureuse et identifiée au pays. Ce projet ne se fera pas sans mal : Baillairgé verra souvent ses églises être réalisées en partie ou avec de nombreuses modifications, ce qui témoigne de sa difficulté à implanter une architecture renouvelée de même que sa « conception nouvelle du rôle de l’architecte, créateur de formes et d’espace plutôt qu’artisan de la construction. » (Noppen, 1977, p.64)
L'église de Grondines, construite entre 1839 et 1842 Érigée selon les plans de l'architecte Thomas Baillairgé. Cette église possède une façade monumentale typique de l'époque. Source: grandquebec.com |
Cette période est néanmoins marquée par un certain raffinement de la vie intellectuelle. Se développent un engouement pour l’Antiquité classique et un sens de l’histoire nationale, ce développement de la conscience historique allant de pair avec une prise de conscience du patrimoine architectural. L’arrivée de plusieurs architectes européens favorise l’apparition ici d’une architecture néo-classique. Plutôt que d’adopter le néo-classicisme anglais ou américain, le néo-classicisme canadien-français s’en tiendra davantage aux formules du classicisme romantique français, tout en continuant d’accorder une importance aux anciennes productions d’ici. Fusionnent donc à nouveau tradition et nouveauté. C’est dans les façades que l’on retrouve le principal élément d’un renouveau formel. Si ce néo-classicisme s’observe notamment dans l’utilisation de motifs provenant de l’architecture grecque, comme les colonnes, il est surtout observable dans une volonté de créer des façades monumentales dont la composition est rigoureuse. Ces façades imposantes sont souvent encadrées de deux tours surmontées de clochers. Il y a chez les catholiques d’alors un goût marqué pour une architecture triomphale, preuve publique et enthousiaste de leur foi. Ce goût pour une architecture imposante entraîne parfois la construction de façades monumentales devant des églises pourtant de taille modeste. Très souvent, les projets mis de l’avant sont trop onéreux et doivent être simplifiés en cours de route, faute de moyens (Noppen, 1977, p.48-49, 54). Si les plans sont généralement fixés d’après des dimensions demandées par les paroissiens ou exigées par l’évêque, l’élévation de l’église, elle, relève de l’architecte; il peut donc y exercer librement tout son talent.
Après 1820, on assiste à une prise en charge de la décoration intérieure par les architectes. « Dès lors on pourra parler d'une architecture intérieure plutôt que d'un décor intérieur composé de différentes pièces de mobilier liturgique, comme c'était le cas auparavant (retables, chaires, bancs d'œuvre, etc.). » (Noppen, 1977, p.60) L’intérieur forme désormais un tout cohérent : on s’attarde au lien architectural, on affiche un souci des proportions, bref, on fait alors preuve d’une plus grande rigueur dans la réalisation des intérieurs. Les architectes François et Thomas Baillairgé abandonnent alors l’ornementation abondante qui caractérisait les intérieurs des églises catholiques, refusant tout débordement et excès. La place des bas-reliefs et des figures sculptées est régie désormais par les normes classiques. Un nouveau matériau est aussi de plus en plus utilisé : le plâtre. Dans un souci de cohérence et d’uniformité, le plâtre permet notamment de produire des sculptures en série, leur apparence finale devenant ainsi plus prévisible que lorsque l’on fait appel à un sculpteur traditionnel qui peut y aller d’initiatives personnelles risquant de ne pas cadrer avec l’ensemble.
Note
Sixième billet d'une série de 10 billets sur l'architecture religieuse au Québec. Consultez l'introduction (premier billet) pour accéder à la table des matières.
Médiagraphie
Monographie
Noppen, Luc. 1977. Les églises du Québec (1600-1850). Collection Loisirs et culture. Éditeur officiel du Québec/Fides. Montréal. 298 pages.