Le Paléoindien récent (ou supérieur) dans la plaine du Saint-Laurent (10 000 à 8 000 A.A.)
Un seul site du Paléoindien récent est connu à l’ouest de la portion québécoise de la plaine du Saint-Laurent. Pourtant, en Ontario, plusieurs sites de cette phase du Paléoindien sont situés le long des Grands Lacs. Situé sur l’île Thompson, le site québécois a livré des pointes à retouches parallèles de type Plano. Son altitude suggère une occupation entre 8500 et 8000 ans A.A. (Chapdelaine, 1994). Complètement à l’est de la plaine, dans la région de Québec, les sites CeEt-481, CeEt-482, CeEt-657, CeEt-658, CeEt-778 et CeEt-799 ont été attribués au Paléoindien récent. Entre les deux extrémités, les archéologues du Québec n’ont pu identifier aucun site Paléoindien.
Les Paléoindiens de l’île Thomson et ceux de la région de Québec auraient suivi deux axes migratoires différents. Des groupes auraient atteint Québec en passant par la région du Méganticois, puis en longeant la rivière Chaudière (flèche bleue sur la carte). D’autres auraient mis les pieds sur l’île Thomson, après un périple à travers l’Ontario (flèche rouge sur la carte). Par contre, l’absence de sites entre l’est et l’ouest de la plaine du Saint-Laurent semble plus difficile à expliquer.
Dans sa monographie sur le site de Rimouski, l’archéologue Claude Chapdelaine (1994) tentait une explication. Il supposait que les groupes provenant de l’Ontario auraient traversé la plaine très rapidement, laissant peu de traces de leur passage. Ils auraient ainsi atteint l’estuaire du Saint-Laurent, où plusieurs sites du Paléoindien récent ont été identifiés. Des traces plus ténues, mais aussi le manque de recherches portant spécifiquement sur cette période, ou encore la difficulté à identifier les sites anciens, pourraient être invoquées pour expliquer la situation.
Ce pourrait-il que l’environnement ait également joué un rôle? Dès 9 800 A.A., la mer de Champlain fait place à une nappe d’eau douce : le lac à Lampsilis. La salinité diminue brusquement, engendrant une extinction brutale de la faune marine, ce qui limitait les ressources disponibles pour l’être humain. Puis, vers 8 800 A.A., la plaine se draine petite à petit, à mesure que la croûte continentale se relève. Environ 10 km² de terre apparaissait chaque année, dans un environnement au relief plutôt plat. L’eau devait stagner dans les moindres dépressions du territoire. Cette situation fait dire à Pierre J.H. Richard (1985 : 46) que «Si des hommes ont occupé la Laurentie à cette époque, ce ne pouvait être que des hommes des marais».
L’environnement semble avoir été plus favorable près de Québec. Une sapinière à bouleau blanc régnait dans cette région, entre 9 600 et 8 600 A.A. Le couvert forestier était alors dominé par le sapin baumier, le bouleau et le pin. Cet environnement devait favoriser le caribou des bois. Puis, à partir de 8 600 A.A., une érablière se met en place, fermant le couvert forestier. Une faune plus variée, mais de plus petites tailles parcouraient la forêt.
Second d’une série de neuf billets sur la préhistoire des basses-terres centrales. La table des matières est accessible depuis l'introduction.
Références:
Bêty, 2012, Contexte paléoenvironnemental du peuplement de la région du détroit de Québec, au cours des périodes paléoindienne et archaïque ancienne, Mémoire pour le grade maître ès arts, département d’histoire, université Laval, Québec, 157 p.
Chapdelaine, Claude, 1994, Il y a 8000 ans à Rimouski... Paléoécologie et archéologie d'un site de la culture plano, Paléo-Québec no. 22, Recherches amérindiennes au Québec, Montréal, 314 p.
Chapdelaine, Claude, 2007, Entre lacs et montagnes au Méganticois, 12 000 ans d'histoire amérindienne, Collection Paléo-Québec, Recherches amérindiennes au Québec, Montréal, 113 p.
Richard J.H., Pierre, 1985, Couvert végétal et paléoenvironnements du Québec entre 12 000 et 8 000 ans BP, l'habitabilité dans un milieu changeant, Recherches amérindiennes au Québec, vol. XV, no. 1-2, p. 39 à 56